Rêves et réalité : ce qui est caché

Au Ier siècle après J.-C., le moraliste grec Plutarque nous enseigne qu'il n'est pas de plus haute, de plus noble connaissance que celle du divin. Or, le divin est paradoxalement ce qui se dérobe aux regards. La quête de "ce qui est caché" reste donc la préoccupation essentielle de l'homme. À l'image de ces créatures qui échappent constamment à notre perception, toute notre vie est environnée de savoir énigmatique. Mais Plutarque nous assure aussi qu'on peut avoir au cours de son existence une sorte d'éclair fulgurant, de révélation extatique et intemporelle qui nous met en contact direct avec ce divin si mystérieux.

« Le fond du problème provient du fait que nous observons par la petite lucarne de notre perception et que l'amplitude de la vérité reste dissimulée par le mur. »

La force du rêve

Comme on a pu s'en rendre compte dans un précédent chapitre, les témoignages relatifs à l'existence des Stryges ne datent pas d'aujourd'hui. Toutefois, malgré leur antiquité attestée, il serait vain et hasardeux de tenter de dater avec précision les premières manifestations du phénomène. De tout temps, un peu partout dans le monde, les témoins ont abondé et continuent de le faire aujourd'hui.

Ce "contact" décrit par Plutarque, de nombreuses personnes l'ont ressenti, l'ont vécu. Elles nous parlent de "visite", de "rencontre", de "conseil". Mais les descriptions de leurs "hôtes" et de leurs intentions demeurent toujours vagues car indéfectiblement liées au monde du rêve et à la zone d'ombre qui l'entoure. La double nature des Stryges en est la cause. Les gens ne sont pas surs de ce qu'ils ont vu ou entendu, cru voir ou cru entendre, et refusent le plus souvent de se confier, même à leur entourage immédiat. La peur les en empêche. Et ceux qui parlent ne donnent guère de détails car là encore, la terreur du souvenir paralyse les langues.

"Une chose aux ailes noires est entrée dans ma maison. Il faisait nuit. Je n'ai pas tout de suite compris ce qu'elle attendait de moi. Était-ce quelque suggestion maléfique? Je ne sais pas. C'était comme si une voix chuchotait dans ma propre tête, mais si fort que j'avais la sensation que mes tympans et mon cerveau allaient éclater. J'ai cru que j'étais en train de perdre la raison..."

"C'était une vaste et sombre masse, horrible à voir. Elle flottait dans le ciel et semblait venue d'un monde ténébreux pour me voir. Mais elle ne s'est pas arrêtée. Elle est repartie dans la nuit sans m'avoir parlé." "Je ne crois pas avoir vécu cette expérience. Je crois que nous rêvons tous de ces créatures à un moment donné de notre existence. C'est une sorte de mythe inhérent à l'humanité, d'illusion collective issue de notre inconscient."

« Fournir une réponse, c'est réduire le phénomène avec le risque que cela comporte de la sous-estimer. »

L'emprise de la terreur

Il faut être conscient que la terreur est en partie responsable de notre impuissance face à l'amplitude d'un tel phénomène. Les Stryges font peur. Cette seule certitude suffit à les rendre dangereux à nos yeux. Mais la peur est un sentiment irrationnel. Alors que reste-t-il de nos convictions devant une telle débauche d'incertitudes de la part des acteurs principaux du drame ? Toujours la même question demeure: quel peut être l'impact des croyances anciennes dans un monde dominé par la science et le rationalisme ? L'emprise de la terreur enferme la victime dans un piège dont nul ne peut l'extraire. Alors la mort seule est au bout de l'expérience.

 

Illustration : tout comme le Vampire, le Stryge est intimement lié au mythe de la Nuit. (gravure du XIXe siècle)

Commentaires

Les commentaires sont désactivés sur cet article.